Qu’est-ce qui pousse une jeune femme à écrire, à se lancer dans cette entreprise solitaire et en retrait du monde ? Avec son premier livre, Karen et moi, sorti en 2011, c’est à cette question que l’auteure belge Nathalie Skowronek tente de répondre.

En prenant appui sur sa passion pour l’écrivaine Karen Blixen, auteure danoise de La ferme africaine, dont elle retrace l’itinéraire mouvementé, elle s’interroge sur sa propre destinée. A la biographie qui s’amorce, Nathalie Skowronek mêle ses propres doutes, sentiments, des émotions qui naissent directement du compagnonnage qu’elle entretient depuis de nombreuses années à travers les livres de Karen Blixen. Le tour de force ici réside dans la progression lente et le dosage parfait que l’auteure belge arrive à distiller, passant de la vie de celle qui l’inspire à sa propre interrogation sur l’acte d’écrire, tout cela avec beaucoup de finesse. Le début du livre est dès lors une sorte de préface dans laquelle elle se pose la question de savoir ce qui la pousse à toujours revenir vers l’œuvre de cette auteure danoise. Pourquoi se sent-elle si proche d’elle ?

« Les volumes s’accumulent sur la table de mon bureau. Des éditions courantes, des traductions. Je les classe en piles et corne les pages. Je prends des notes aussi. Dans le tas, il y a un essai en danois sur le père de Karen – je ne lis pas le danois mais il me semble ainsi me rapprocher d’elle -, quelques ouvrages illustrés, puis les romans, les contes et la correspondance. […] Cela fait longtemps que Karen est entrée dans ma vie. J’étais déjà familière de son aventure africaine, de Denys et de Bror, les hommes de sa vie, de son attachement aux animaux, et puis, il y a peu, j’ai ressenti un besoin impérieux de revenir vers elle. Moins pour elle que pour moi, à dire vrai. »

A partir de là, la petite fille solitaire qui entreprend d’écrire va comprendre que ses aspirations enfouies sont en fait celles que décrivent avec subtilité l’œuvre et la vie de Karen Blixen. Serait-elle en somme le double de Karen ? Un premier livre totalement réussi ! Un vrai coup de cœur !

Et la suite me direz-vous ? Jusqu’au dernier ouvrage, La carte des regrets, sorti quelques semaines avant le confinement et qui marque un tournant dans sa production, Nathalie Skowronek explorait surtout une histoire familiale chamboulée notamment par la guerre. Des livres comme autant de fouilles autobiographiques d’une maîtrise parfaite. Une recherche de ces destins singuliers qui ont jalonné son existence. Quatre autres livres depuis celui-ci qui forment comme un cycle. Une auteure belge à suivre assurément !

Bibliographie sélective de Nathalie Skowronek :

Max, en apparence, Paris, Arléa, 2013

La Shoah de M. Durand, Paris, Gallimard, 2015

Un monde sur mesure, Paris, Grasset, 2017

                                                                                                                     R. Demaeseneer