Notre collègue Rony Demaeseneer a été l’invité du @SJTN live de ce jeudi. Vous avez encore la possibilité de revoir ce moment : https://www.facebook.com/114889600159808/videos/561047541497496/ .
Ci-après son texte pour vous accompagner dans cette petite balade poétique. Bon/ne visionnage/écoute/lecture. Et bon dimanche aussi!




La Belgique, tant au nord qu’au sud, est terre de poésie. Depuis les grands symbolistes – Verhaeren, Maeterlinck – le genre a trouvé ses lettres de noblesse et a réussi à s’adapter aux mouvements internes qui ont animé la littérature nationale. Il en est de même des petites maisons d’édition, parfois très confidentielles, qui existent sur le territoire et pour lesquelles on espère vivement que cette période d’incertitude ne soit le chant du cygne. Peu médiatisées, ces structures éditoriales sont pourtant essentielles à la diffusion de cette littérature poétique qui constitue assurément, sur un plan international, une des marques de fabrique de la Belgique littéraire. Un petit tour d’horizon donc pour épingler quelques recueils récents, parus pour la plupart quelques mois avant le confinement.
Parmi ceux-là, le beau premier livre d’une bruxelloise, Anna Ayanoglou, Le fil des traversées, chez Gallimard qui nous entraîne aux confins de l’Europe baltique, avec une musique intérieure très personnelle loin des modes et des artifices.
« Pour ses cours en sommeil / dans son cœur et autour / pour ses maisons aveugles / ses demi-terrains vagues / aux cailloux farineux / le brillant de l’eau noire / dans les caves écroulées / pour ces espaces vacants / pour ce qu’ils sont donnés / et nourrissent les poètes / les pochetrons et les adolescents »
On poursuit avec Karel Logist et son recueil, Un cœur lent, une poésie du quotidien, légèrement décalée où surgit toujours, au détour d’un vers, un brin d’humour et d’incertitude.
« Une étude scientifique / serait en cours / qui tend à démontrer / que la procrastination / est l’une des rares pathologies / qui permettent de vivre plus vieux / plus actif et en meilleure santé / quand on l’interroge / quant à la date de publication / des résultats définitifs de sa future thèse / l’éminent chercheur / se montre plutôt vague »
Avec Benno Barnard, né à Amsterdam mais partageant son temps entre Bruxelles et Londres, la poésie se fait plus âpre, plus violente parfois. Le service de mariage, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, dernier livre paru, confirme la voix majeure et la place qu’occupe le poète dans l’espace littéraire européen.
« Bruxelles brûlait de notre rendez-vous / au cœur de la ville tu attendais au soleil / d’une terrasse propre à exciter les sens / Je me dirigeais vers toi / à peine dix minutes / depuis la gare / voyage autour de ma poche / Mais une rue plus loin / au bond de la grande aiguille / des pensées irrationnelles s’emparèrent de moi »
Parmi les images poétiques, les nuages restent l’apanage des poètes qu’ils revisitent à leur façon. Pour Jan Baetens, professeur à l’université de Leuven, avec son livre Autres nuages (2013) comme pour Liliane Schraûwen, le nubile reste sans doute le plus beau moyen d’évasion. Dans Nuages et vestiges (2019), la poétesse ranime encore aussi le souvenir de Bruxelles vivante sous les étoiles.
« Cœur de l’Europe et cœur du monde / c’est à un cœur qu’elle ressemble / même contour même dessin / on vient de loin pour la connaître / des Amériques du Japon / Grand-Place dentelle de pierre / un bel archange la domine / un ange d’or dans le soleil / qui la protège et la défend / là-haut dressé contre le ciel / contre la pluie contre le vent contre le gris »
Et Bruxelles encore sous la plume de Rossano Rosi dans le magnifique recueil Pocket Plan où chaque poème bat son propre tempo, rythmé par le nom d’une artère bruxelloise.
« Voilà. Il sort de chez le bouquiniste, rue du Midi / Pas un regard pour l’azur. Il jubile / Et il jubile. Il heurte une sébile / Pas un regard pour le gymnosophiste / en l’attente de sous, zen, fataliste / Il jubile en ouvrant l’automobile / fier d’avoir viré la bio de Bill / pour dénicher derrière, à l’improviste / ah, ce fouillis ! un Isocrate intact ! / à menu prix ! aux pages non coupées / il jubile, il lâche en silence un pet / de joie tandis qu’il s’installe aux commandes / et qu’il regrette, en mettant le contact / la Correspondance de Sand »
Des styles différents, des visions et des humeurs qui disent la vitalité de cette langue poétique que, souvent, nous envient les voisins français. La poésie dit beaucoup à propos de tout et surtout de rien !
Références des ouvrages cités et de quelques autres :
Rossano Rosi, Pocket Plan, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2008.
Werner Lambersy, L’éternité est un battement de cils, Arles, Actes Sud, 2005.
Karel Logist, Un cœur lent, Liège, Tétras Lyre, 2020.
Anna Ayanoglou, Le fil des traversées, Paris, Gallimard, 2019.
Harry Szpilmann, A propos de tout et surtout de rien, Bruxelles, La lettre volée, 2020.
Liliane Schraûwen, Nuages et vestiges, Dinant, Bleu d’encre, 2019.
Benno Barnard, Le service de mariage, Bègles, Le Castor Astral, 2019.
Jan Baetens, Autres nuages, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2012.
Rony Demaeseneer
Bonjour, un grand merci pour toutes ces propositions de lecture;
Certains des livres que vous avez présentés, se trouvent-ils à la bibliothèque ?
Je n’ai pas pu laisser de commentaire sur la page facebook : je n’ai pas de compte 😉
Bref, merci.
F. Bianchi
Bonjour. Merci beaucoup pour le message. Certains livres sont déjà à la Bibliothèque, certains sont en commande et donc ils le seront bientôt. N’hésitez pas à nous contacter aussi par téléphone (02 218 82 42) et nous pourrions vous donner un rdv pour venir les chercher avec le service “take away”. Cordialement
Ah ! J’ai réécouté et j’ai compris que les livres seront prochainement disponibles à la bibliothèque. F. Bianchi